APPRENDRE UN CHANT, EST-CE SEULEMENT
LE SAVOIR PAR CŒUR ?

(info-musicollège n°9 - septembre 2001)


Non, c'est aussi l'interpréter, c'est à dire le restituer dans son style et sa musicalité.

Si les programmes demandent de connaître les chants par coeur, c'est pour que les élèves acquièrent un répertoire qu'ils garderont en mémoire et qui témoignera des apprentissages effectués. Mais la connaissance par coeur des paroles et de la musique ne saurait suffire pour considérer accompli l'apprentissage du chant.
Apprendre un chant, c'est en acquérir toutes les composantes. Certes, l'appropriation mélodique (chanter juste la mélodie) est indispensable, le monnayage des paroles et du rythme (la prosodie) est incontournable. Mais on peut avoir acquis tout cela sans que le chant soit pour autant maîtrisé. En effet, le professeur doit se préoccuper dès le début de l'apprentissage de tout ce qui relève du style. On ne chante pas une chanson traditionnelle comme May the circle be unbroken de la même façon que Symphoman de W. Sheller ou la Chanson de la terre de D. Lavoie.
Dynamique (articulation, accents) aussi bien que couleur vocale (chant traditionnel ou style gospel) doivent être inculquées par le professeur qui aura soin lui-même de maîtriser toutes ces composantes avant de s'engager dans l'apprentissage.

Apprendre un chant, c'est dès le début être constamment vigilant sur le résultat sonore et réactif à la restitution de la classe afin de ne pas laisser s'installer des erreurs ou une exécution inappropriée.
C'est un "port de voix" (glissando vulgaire) que l'on réprime ou que l'on canalise, c'est une imprécision mélodique que l'on redessine, une intensité que l'on maîtrise (forte n'est pas gueulando (!) et chanter piano n'est pas détimbrer, ou encore moins ralentir...) C'est un texte que l'on fait mieux ressortir par une articulation travaillée, une justesse que l'on précise par un contexte harmonique éclairant, une nuance qui s'impose par la compréhension poétique... Bref, mener un apprentissage, c'est bien autre chose que de faire répéter mécaniquement une classe qui se désintéresse de ce qu'elle fait.
Et l'explication ne rend pas compte de la musique : seul l'exemple produit peut installer ce que l'on attend de la classe. Le rabâchage tue la musique ! Répéter inlassablement sans que rien n'évolue doit interpeller le professeur qui alors devrait se rendre compte qu'il dégrade la musique au lieu de la conforter.

Climat musical, intelligence du texte, jeux vocaux entre le professeur et la classe doivent installer une connivence dont jaillira une interprétation sensible, vibrante et motivante. D'ailleurs, tout ce vécu musical porte de lui-même vers l'appropriation par coeur qui coule alors de source. Plus besoin de faire apprendre à la maison les douze couplets...

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