TECHNIQUE DE LA FLUTE A BEC

(info-musicollège n°4 - octobre 1995)


L'apprentissage de tout instrument exige beaucoup d'efforts et de continuité pour aboutir à la sûreté du jeu.
A l'inverse d'une étude instrumentale classique conçue pour maîtriser un répertoire propre, l'usage de la flûte à bec en classe est au service de l'apprentissage du langage musical, ce qui exclut tout exercice ingrat ou fastidieux. Un minimum de contraintes techniques est cependant nécessaire dans la tenue de l'instrument, l'émission et l'articulation, le respect des doigtés corrects qui doivent être travaillés et surveillés constamment. La difficulté consiste à intégrer ces contraintes au cours d'éducation musicale pour faire de l'utilisation de cet instrument un facteur de réussite.

Avec la flûte à bec, ce n'est pas plus facile, c'est plus efficace !

I - Principes de base

1.a - Mise en route

Cet instrument ne s'emploie pas dès le premier cours de sixième.
Après l'installation de la classe dans une pratique autour du chant, du langage et de l'écoute, l'usage de la flûte doit se développer progressivement.
On consacrera une première séance de 20' environ à l'orientation et à la tenue de l'instrument puis une seconde à l'éveil tactile sans émission sonore. Par la suite, on travaillera les premières notes en s'attachant déjà à la qualité du son et à la musicalité.
Acquisition des doigtés, phrasé et articulation seront ensuite menés de front en cohérence avec la progression digitale et la progression du langage telles qu'elles sont illustrées dans les Musicollèges.
Précaire dans les débuts, la justesse s'améliorera naturellement par un meilleur contrôle du souffle et de l'articulation et l'accord général des instruments.

1.b - Travail de fond

Ces exercices de base effectués, chaque leçon doit donner l'occasion de confirmer les acquis techniques en insistant sur tel ou tel aspect, selon les faiblesses de la classe et les difficultés contenues dans les morceaux travaillés :
- révision des notes acquises,
- exercices d'articulation, révision d'un doigté et rôdage d'un enchaînement,
- travail de formules digitales en relation avec les mots musicaux.

Dans tous les cas, il convient de donner des habitudes rigoureuses de travail, indispensables à tout apprentissage collectif. Cette discipline doit se manifester notamment dans la capacité des élèves à ne pas jouer à tout bout de champ sans y être invités et à prendre l'habitude de poser la flûte sur les tables en dehors des périodes de travail instrumental.

Une flûte posée est une flûte inoffensive!

II - Le jeu instrumental

Tenue de l'instrument, sensibilité tactile, émission du son et justesse conditionnent la réussite du jeu instrumental.

2.a - La tenue de la flûte

Bien tenir la flûte c'est d'abord bien l'équilibrer.
La main gauche ne doit pas à avoir à supporter l'instrument : celui-ci repose sur les lèvres et le pouce de la main droite qui affirme sa préhension en ajoutant le petit doigt sur le dernier trou.
- saisir le bas de la flûte avec la main droite (sans préoccupation d'orienter les trous) et la tenir comme la flamme de la statue de la Liberté ;
- placer le bec sur le menton (pour éviter toute émission involontaire) et tenir l'instrument seulement avec la main droite (avec le pouce et le petit doigt en donnant une inclinaison à 45') ; pas de coudes sur la table ni de corps avachis !
- s'amuser à reprendre cette position le plus rapidement possible (individuellement ou collectivement).

2.b - Un jeu de doigts !

Bien boucher les trous, c'est d'abord bien les sentir.
Pour sentir les trous sous les doigts, il faut avoir un sens du toucher suffisamment développé. Bien des élèves semblent dépourvus d'une sensibilité tactile suffisante ; il faut donc éveiller ce sens, si négligé dans l'éducation en général.
- enfermant les yeux, on explore la flûte par le toucher repérer la forme conique, le bec, le pied, les trous de diamètres différents, le trou du pouce opposé aux autres. Cela se découvre en massant légèrement et en passant plusieurs fois le gras des doigts sur les trous et les éléments essentiels de la forme ;
- repérer le plus gros trou, le plus petit ; descendre depuis le bec vers le pied et décrire chaque trou rencontré (individuellement ou collectivement) ;
- en reprenant la position du bec sur le menton, placer la main gauche sur le doigté du Si (pouce, 1) sans jouer et masser légèrement les trous pour mieux les sentir sous les doigts.

2.c - Ce que l'on joue

Bien émettre les sons, c'est d'abord penser à ce qu'on va jouer.
Si la note à jouer n'est pas présente dans la tête, le son sera émis au jugé et ne pourra subir aucune correction de hauteur.
Il est donc indispensable que l'émission chantée des notes, doigtés exécutés flûte au menton, précède toujours l'émission jouée sur l'instrument.
Mais la hauteur reste imprécise si on ne maîtrise pas simultanément le souffle et l'articulation.

2.d - Souffler n'est pas jouer !

Eviter dès le départ le terme "souffler" qui implique trop souvent dans l'esprit des élèves une pression forte, toujours trop forte !
La respiration est diaphragmatique, comme pour le chant, mais à très faible pression : l'air s'écoule doucement de la bouche vers la flûte, comme dans la parole au fur et à mesure des mots.
- Flûte au menton, dans la position du Si, imaginer une flamme allumée sur la flûte : le vent léger la fait vaciller sans l'éteindre.

2.e - L'articulation accompagne toujours l'émission

Le mouvement de la langue va donner un début et une fin précises aux notes émises et assurer la justesse : c'est l'articulation.
Que c'est difficile à expliquer et à faire reproduire !
Si le professeur l'exécute bien, le mimétisme aidera. Mais que de temps perdu et de qualité gâchée si on n'y arrive pas. Et c'est pourtant fondamental pour faire vivre ensuite la musique dans le phrasé.
- Au repos, placer la langue contre l'orifice du bec bouché, celui-ci ne laisse plus passer l'air et la flûte est muette.
Pour émettre un son, prononcer doucement "tu" : la langue se retire et l'air s'écoule dans la flûte ; le son est émis... mais il faut l'arrêter !
La langue vient se replacer contre l'orifice et le son s'arrête NET : on est prêt à articuler la note suivante.

Articulations principales
- notes répétées simples :


- notes répétées rapides :


- articulation par deux :


- articulation par trois :


- liaison d'articulation :


Présentées ici sans souci de progression, ces articulations doivent être adaptées aux textes étudiés.

2.f - Le plus juste est souvent le moins faux !

Il ne peut être question d'accorder les flûtes tant que les élèves ne maîtrisent pas l'émission (souffle et articulation). Une fois parvenu à un contrôle du souffle suffisant par l'ensemble de la classe, on pourra procéder à l'accord des instruments (au cours du second trimestre).
Le professeur remarquera vite et éliminera sans état d'âme les instruments les plus faux, n'ayant de flûte que l'apparence.
- Repérer la flûte dont le diapason est le plus bas, mais cependant acceptable par rapport au piano, accordé au La 440 (et non 442, encore moins 445).
Ce sera la "flûte diapason" pour la classe car on ne peut que baisser les flûtes en tirant au niveau du raccord bec/corps (avec un mouvement tournant) et en ajustant ensuite le pied de la moitié de ce qui a été tiré plus haut.
Les problèmes d'accord sont considérablement diminués quand toutes les flûtes sont du même modèle de la même marque étant entendu que le seul modèle acceptable est la flûte baroque.
Pour améliorer la sonorité d'ensemble, faire jouer les élèves en soufflant dans la flûte comme on se réchauffe les doigts l'hiver, avec un souffle chaud, mâchoires desserrées. Le résultat s'entend immédiatement et favorise notamment l'émission du grave.
On ne peut éviter avec trente élèves certains battements. Ils enrichissent le timbre, à la manière des voix célestes de l'orgue et ne donnent pas l'impression de fausseté.

Il n'est pas nécessaire d'être un flûtiste chevronné pour enseigner cet instrument en classe.
Une bonne assimilation des doigtés et un jeu expressif sur le répertoire enseigné permettent de faire travailler efficacement les élèves.
La technique de base décrite ci-dessus doit être transmise avec soin en tenant compte des possibilités réelles des enfants et de l'équilibre des différentes activités en classe.
Négliger cette technique c'est hypothéquer pour les quatre années du collège une utilisation harmonieuse et gratifiante de cet instrument.

Un travail technique bien mené ne rebute pas mais libère !

Malgré les contraintes qu'elle recèle - comme tout autre instrument, la voix ou les technologies actuelles - la flûte à bec reste un instrument privilégié, bien adapté au jeu collectif et porteur d'attrait et d'enthousiasme.

© Editions Van de Velde | Sommaire | Accueil